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Open Data : rendons les données accessibles à tous !

Cette semaine, nous avons le plaisir d’entendre l’expert de l’Open Data, Jean-Marc Lazard. Jean-Marc Lazard a cofondé Opendatasoft dont il est le CEO. Si vous ne connaissiez pas encore l’Open Data, c’est l’occasion d’en savoir un peu plus sur le sujet, et surtout de comprendre comment cette notion peut nous aider à répondre à des défis d’intérêt général.

Pourriez-vous expliquer la mission d’Opendatasoft en quelques mots ?

Société française basée à Paris, Nantes et Boston, Opendatasoft a pour mission d’être le spécialiste de la gestion des données publiques (au sens exposées au public). Nous souhaitons rendre simple le partage de tout type de données au plus grand nombre et la consommation de celles-ci grâce à des outils dédiés. Nous éditons des solutions technologiques qui permettent cela. 

Nous outillons ainsi plus de 600 organisations dans 21 pays, notamment des acteurs publics, particulièrement des administrations ou collectivités territoriales, ou entreprises publiques et privées qui génèrent des types de données variés ou qui ont besoin de consommer de la donnée publique. Nous pouvons être amenés à travailler conjointement avec ces deux typologies d’acteurs comme par exemple dans le secteur des transports, de la gestion de l’eau ou des déchets… 

Nous sommes donc par exemple très présents dans le secteur de l’énergie tout en ayant une activité croissante dans le secteur des services (banques, assurances, télécommunications) ou encore du luxe. Tout le monde a de la data à partager et à utiliser !

Qu’est-ce que l’Open Data ?

L’Open Data c’est une notion qui consiste à rendre réutilisable une donnée (structurée) dans un contexte autre que le cercle initial pour lequel cette donnée a été créée. L’idée est donc de partager cette donnée de manière plus vaste, au plus grand nombre possible. 

L’Open Data repose sur trois grands piliers :

Vous avez récemment dit que l’open data était la solution à la crise sanitaire ? Dans quelles mesures ?

L’Open data est un incontournable, non suffisant certes, mais nécessaire pour répondre à de nombreuses questions dans nos sociétés. Ce n’est pas la seule réponse, mais de manière générale, cette notion représente le moteur d’une économie numérique : moteur d’innovation, moteur de la confiance, moteur économique. On ne considère plus la data sous ses aspects techniques mais plutôt comme un morceau de connaissance qui représente aujourd’hui la matière première de l’innovation.  

Lors de la crise sanitaire, il fallait trouver des solutions rapidement, en mobilisant toutes les énergies disponibles. A mon sens, il faut se baser sur cette intelligence collective, sur le partage des données qui la nourrit, pour résoudre un grand nombre de problématiques.  Le fait de pouvoir rendre disponibles des données statistiques sur l’évolution de la pandémie, ou un annuaire de commerçants ouverts lors du confinement, ou des données sur l’impact économique de la crise, c’est une condition nécessaire pour travailler ensemble à imaginer, à développer des solutions. Il faut rendre la connaissance accessible collectivement car cela permet également d’évaluer rapidement l’impact de nos décisions.

L’Open Data est un accélérateur dans ce que le numérique peut apporter comme solution à une crise. 

Concrètement, quelles solutions à la crise avez-vous apporté avec Opendatasoft ?

Nous sommes intervenus à plusieurs niveaux. Premièrement, nous avons outillé un certain nombre d’acteurs publics pour informer la population sur l’évolution de la pandémie au niveau local (Villes, Départements, Régions) en publiant des observatoires, à l’instar des informations communiquées régulièrement par Santé Publique France sur le nombre de malades.

C’est un levier puissant d’efficacité et de rapidité, en étant transparent sur la provenance de ces données, et pour que tout type de métiers (médecins, journalistes, chercheurs…) puisse accéder à ces données.

Deuxièmement, nous avons pu rapidement outiller des services d’informations pratiques tels que :

Les notions de transparence, d’équité et d’efficacité sont ici primordiales, étroitement liées pour créer la confiance suffisante et rassurer chaque individu à qui on propose chaque jour d’adopter et de basculer vers ces nouveaux services numériques.

De manière plus générale, pouvez-vous nous dire ce qu’elle permet dans d’autres secteurs ? (Energie, climat….)

En effet, l’open data permet une multitude de cas d’usage puisqu’on considère la data non plus comme une information mais comme de la connaissance visant à être partagée. Cela se traduit par des applications très concrètes développées sur des cycles beaucoup plus courts. 

Concrètement dans le cadre de la gestion énergétique sur énergie sur des territoires insulaires, il est nécessaire d’observer les données environnementales (ennuagement par ex.) pour connaître le niveau d’alimentation en électricité en temps réel, dans une logique d’autosuffisance. Par exemple, sur l’île de la Réunion, les bornes de recharges de véhicules électriques bénéficient d’informations basées sur un partage de données provenant des données météorologiques, du fournisseur de bornes photovoltaïques lui-même et de l’opérateur du réseau global. Si on anticipe les conditions météorologiques, alors on peut informer en temps réel sur le niveau de disponibilité de ces bornes. 

Sans l’open data, toutes les parties prenantes intervenant sur ce projet auraient dû construire leur propre plateforme commune et donc spécifique leur permettant de traiter ces données de cette manière.  Le fait que chacun mette ses données à disposition de manière standardisée a permis de gagner un temps précieux avec des coûts minimum. C’est un élément de transformation radical tant au niveau de la conception (puisqu’on sait désormais que les données sont disponibles et utilisables) que dans l’exécution, il n’est plus nécessaire d’échanger avec chaque partie prenante pour concevoir une plateforme qui peut prendre des années à être conçue et requiert ensuite des temps et coûts de maintenance rédhibitoires.

Pour vous, les notions de transparence sont essentielles en matière de données. Pourquoi ?

Tout d’abord, on constate que pour un nombre croissant d’entreprises, l’open data est un élément constitutif de leur marque parce que le marché ou leurs clients le demandent. Nous avons des marques comme Kering qui vont mettre à disposition leurs données pour aller prouver les résultats des démarches mises en place au sein du groupe pour minimiser leur impact sur l’environnement. 

Un changement est donc en train de s’opérer au niveau de la communication des entreprises : les mots et les images ne suffisent plus pour convaincre, il faut apporter des preuves. Par ailleurs, l’open data peut être un outil de poids pour recruter les talents (talents de la donnée, mais aussi les experts dans leur secteur). Pour reprendre l’exemple de Kering, la mise à disposition des données pourrait permettre des innovations au niveau du design des produits – plus respectueux de l’environnement – et donc attirer des talents qui auraient pu être jusqu’alors réfractaires. Les données deviennent vitales pour exercer son métier dans de meilleures conditions. 

Il faut que les pratiques et les outils changent autour de la communication pour accéder aux données. 

Comment fait-on pour réinstaurer cette confiance ?

A mon sens, la confiance passe par le dialogue. Avec l’émergence des réseaux sociaux, certaines entreprises commencent à dialoguer avec les utilisateurs. Il n’est pas particulièrement choquant que les entreprises collectent et gèrent les données de leurs clients. En revanche, il faut être transparent sur l’utilisation qu’on en fait. 

Iqvia a mis en open data les statistiques de ventes de tests antigéniques des pharmacies en France. Ces données peuvent donc être à la disposition des logisticiens, et autres professionnels de la gestion de la crise sanitaire. Ici, Iqvia joue un rôle sociétal positif. Il me semble que c’est un exemple qui rétablira la confiance.

Pensez-vous qu’il faille légiférer davantage pour rétablir cette confiance et inviter les entreprises à partager leurs données ?

Aujourd’hui, nous avons le RGPD. Cela permet de clarifier un cadre où l’individu va exprimer son consentement. Effectivement, on protège l’individu car on va empêcher certaines pratiques peu éthiques voire illégales concernant leurs données. Mais cela ne règlera pas forcément le problème de confiance car on introduit la notion de monétisation des données individuelles. La logique de marchandisation des données va à l’encontre de l’intelligence collective que veut promouvoir l’open data. 

Aujourd’hui, un grand nombre d’agrégats de données ne sont pas partagés car monétisables.  Toutefois, il ne faut pas perdre espoir car de plus en plus d’entreprises s’engagent à ce niveau, parfois encouragées par les investisseurs, les partenaires et en premier lieu leurs clients. 

Aujourd’hui, le retour monétaire direct de la data n’a pas de sens hormis dans deux circonstances : soit on a de la donnée exclusive (ce qui revient très rapidement à l’aspect données individuelles), soit on parle d’informations qualifiées et ce qu’on vend c’est surtout le savoir-faire apporté par le traitement sur ces données. En dehors de ces cas, la monétisation n’a pas vraiment de sens. Et ce qui a du sens, y compris économique, c’est surtout de servir l’intérêt commun, la résolution d’un problème à travers la data. C’est en ce sens que la data doit être rendue disponible. 

Pour autant, on pourrait effectivement légiférer davantage pour une république numérique. Dans ce cadre, il devrait y avoir une référence à cette République Numérique dans chaque nouvelle loi avec une composante Data & Open Data. Par exemple, à partir du moment où un projet est financé par de l’argent public, il devrait y avoir transparence sur l’utilisation de ces financements.  

Cette pratique  existe dans de nombreuses régions du monde sans qu’il n’y ait de loi, c’est notamment le cas dans les pays anglo-saxons où existe de surcroît une réelle économie de la data. 

L’Open Data a prouvé son efficacité à l’échelle locale. Aujourd’hui on peut réellement dire qu’on peut faire mieux avec moins. Mais ce qu’il faut changer c’est l’état d’esprit, il faut avoir la volonté de mettre à disposition les données pour aller plus vite. On a remarqué, grâce à un sondage effectué auprès du grand public, que les lignes bougent car les individus et les acteurs publics réclament plus de transparence.

A propos de l'invité
jean-marc lazard

Jean-Marc a co-fondé Opendatasoft en 2011. Fort de 16 ans d’expertise en stratégie d’entreprise et en gestion des équipes , ce passionné par la donnée et son usage est convaincu du besoin de rendre la donnée accessible au plus grand nombre et surtout de la nécessité de la partager. Selon lui, les organisations ne réussiront leur transformation digitale que si elles modifient la manière dont elles utilisent et partagent les données.